La vie nouvelle
Un chassé croisé s’opère sur les routes de France entre ces surveillants et d’autres qui reviennent. Parmi les promotions d’élèves conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, des anciens surveillants.
C’est un retour à l’école nationale d’administration pénitentiaire pour un changement de métier. Ils connaissent très bien l’institution mais en même temps ils n’en perçoivent peut-être pas complétement le dispositif à l’œuvre, cette nouvelle formation va jouer un rôle déterminant. Notre première rencontre fait émerger dans leurs mots une envie puissante d’aider mieux et autrement le détenu.
À jamais
Revenir à l’école est notre choc carcéral, à l’envers.
Nos chambres sont à peine plus grandes que des cellules et nous devons nous soumettre à de nouvelles règles, celle de l’apprenant.
Tandis qu’en prison, c’est nous qui avons ce rôle « d’enseignant ». Se défaire de notre uniforme pour changer de corps de métier et passer sous le regard des autres surveillants comme étant désormais passés du côté obscur, est un sentiment étrange.
Nous avons la couleur bleue en dedans, elle nous habille même sans l’uniforme. Aujourd’hui nous sommes des bleus sans bleus mais à jamais en bleu.
La fuite du bleu
Toujours, on me demande de justifier mon changement de corps. La première surveillante en l’apprenant, m’a tourné le dos.
Ses mots résonnent encore comme une gifle sur ma joue « quand on change de corps c’est pour le fuir ».
Je n’aime pas le bleu, mais pour revenir à l’école j’ai acheté un sac bleu marine pour me souvenir d’où je viens. Moi, ce sont mes lunettes que j’ai prises en bleu, c’est une couleur qui me va bien.
Un corps perdu
Le «corps» me manque. En entrant ici, tout devient évident, l’espace de la prison me manque, le temps de la prison me manque, les odeurs de la prison me manquent.
Tous me manquent, les détenus et les collègues. Mes repères se sont brouillés en l’absence de murs, je suis comme un corps perdu.
Lâché comme au milieu du désert.
À demain
Oubliez-vous pour être surveillant et réveillez-vous pour être conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation !
Voilà comment le dispositif nous travaille.
Peut-être faudra-t-il inventer un projet d’ensemble dans lequel les deux métiers convergent pour que nous devenions des surveillants pénitentiaires d’insertion et de probation ?
De sorte à ce que le temps du métier du CPIP puisse correspondre au temps long du contact favorisant la connaissance qu’ont les surveillants des personnes détenues.
