
La chambre masquée
Atelier AAA : Art Architecture Appropriation
École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Bordeaux.
Licence 2
2020
Dans le cadre d’un processus pédagogique conçu et coordonné par Arnaud Théval à l’Ensap en coopération avec le Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Le 308 – Maison de l’Architecture programme l'exposition « La chambre masquée ». L'exposition présente les créations de l'atelier avec trois séries de collages « Derrière le masque », « Derrière le masque, au coin » et « La chambre masquée ». Une publication éponyme de rassemble tous les travaux de ce semestre de 60h en licence 2. En écho à leurs travaux les étudiant.es, accompagnées par Iloé Lafond, chargée des projets scolaires et enseignement supérieur au Frac, ont sélectionné des œuvres de Sara Sadik, d'Emmanuel Penouty, de Paul-Aymar Mourgue d’Algue et d'Alexander Costello. Une soirée inaugurale invite l'artiste Nicolas Daubane à échanger avec les étudiant.es et en direct sur Rumeurs Radio.
L'histoire de l'exercice est celle d'une découverte des étudiant.es sans que jamais celle-ci ne soit complètement possible. Sous un masque, seuls leurs yeux communiquent avec l'équipe pédagogique constitué de jean-Marc Rubio, de Charlotte Garcia et de Vanille Plier. Bien sûr le langage des corps mais assis dans un amphithéâtre, sur un tabouret devant une table ou sur une chaise derrière un écran, convenons que c'est assez faible. Pourtant, la série d'exercice est une succession de dévoilement. Toute la dynamique de l'atelier s'appuit sur la contrainte des empêchements pour créer une représentation de soi en plusieurs épisodes, du dedans au dehors un autoportrait et du dehors au dedans pour une autofiction...celle d'un confinement dans l'espace de sa chambre, dans l'espace de soi.
Derrière le masque
88 autoportraits masqués format 21 x 29 cm, couleurs
Voilà les étudiant.s, nous ne les connaissons pas. Jamais vu. Une succession de leurs silhouettes masquées sort de l’amphithéâtre pour rejoindre l’atelier. Les consignes sont répétées et ils se saississent de leurs outils de représentations pour se lancer dans ce premier exercice. Chacun.e se lance dans la création d’un autoportrait masqué. L’oxymore est fort, mais il contient la promesse de faire émerger quelques indices de leurs personnalités.
Déjà les traits de leurs dessins, les contextes dans lesquels ils se situent et les objets masquant une partie de leur visage composent un paysage intime. C’est l’objet bien entendu d’un autoportrait, mais celui-ci contient le drame actuel...celui de devoir s’affirmer tout en étant retenu...
Derrière le masque, au coin
87 autoportraits en ville format 12 x 16 cm, noir et blanc
La ville est un terrain anxiogène où celui que l’on croise avec ou sans masque est devenu le danger. L’espace urbain semble s’être rétréci et le contrôle exercé par tous sur tous accentue l’effet d’oppression sur nos perceptions des lieux. Avant que le confinement ne retombe, ils déambulent dans cette impression de clôture, se faufilent dans les interstices, disparaissent derrière les masques et contournent un interdit. Malgré l’air qui commence à manquer, ils inventent des moments de respiration.
Ces petits collages 12 x 16 cm sont parfois maladroits, les associations de matériaux et les formes des découpes sont peu maîtrisés mais c’est dans ce tâtonnement que l’intérêt réside...il dévoile plus que prévu les émotions.
La ville s’est donc rétrécie.
Nous sentions que la pression de la pandémie pouvait nous empêcher de poursuivre mais tous nous espérions pouvoir aller au bout de l'exercice sur la ville et son appropriation. Chacun.e chez soi, retour au confinement qui chez ses parents, qui dans son appartement, qui sait les conditions nouvelles pour travailler de ces étudiant.e.s. Au moment même où nous basculions dans la finalisation de cette dynamique de dévoilement, nous voilà tous enfermés. La distance nouvelle m'impose de repenser la fin de l'exercice, adieu une chambre en ville, adieu l'exploration de la lisière entre intime et extime dans la ville même.
Une chambre avec vue sur le monde
La distance physique nous conduit à inventer des stratégies pédagogiques pour ne pas sombrer dans un marasme immobilisant. Tout change donc. Nous voilà chacun chez soi, dans notre intimité à devoir construire d'autres modes de communication. Je réécris la fin de l'exercice, ils le reçoivent par messagerie. Ce renversement de situation et la contrainte de devoir rester chez soi vont produire une formidable accélération du projet pédagogique. La matière intime est là tout autour de chacun et l'expérience est partagée par tout le monde. Grâce aux ressources en ligne du FRAC, ils et elles peuvent attraper le monde des représentations artistiques pour nourrir leur combat contre l'enfer de l'ennui, la lassitude des répétitions et les angoisses de l'isolement. Depuis leurs chambres, derrière leurs caméras, en proie aux peurs, aux rages et aux doutes ils et elles reconfigurent une représentation de leurs mondes. Mais en s'appuyant sur leurs rêves, leurs secrets et leurs envies de demain, ils et elles bousculent l'espace contraint de leurs existences. Ou comment l'imaginaire permet de tout s'approprier, de tout repousser en assumant une extimité de son intimité...
Arnaud Théval
La chambre masquée, 2020
24 collages format 30 x 80 cm, couleurs
Édition au format 15 x 20 cm, 280 pages, ensap BX
Exposition au 308, maison de l'architecture
L'ensemble des créations des étudiantes et des œuvres de Sara Sadik, d'Emmanuel Penouty, de Paul-Aymar Mourgue d’Algue et d'Alexander Costello issues du FRAC Nouvelle-Aquitaine MECA.
Émission de radio avec l'artiste Nicolas Daubane sur Rumeurs Radio
sur des questions d'enfermements.
Écoutez Dans la chambre de Nicolas Daubanne