L'art ou la politique du jeu
Arnaud Théval, artiste
"Parcours photographique, Arles 2013"
Édition Scéren (cndp-crdp) collection Point de rencontre
2013
Changeons de paradigme pour envisager une œuvre d'art construite sur l'école et à partir de celle-ci. Laissons de côté la figure de l'artiste intervenant pour choisir celle de l'artiste tout court. Oublions la dichotomie entre art et pédagogie, pour envisager un art de la rencontre qui contient dans sa démarche même une dimension pédagogique. C'est à dire partager avec l'autre les moyens d'une aventure commune. Évinçons le mot participation au profit du mot implication, cela objectivise moins l'individu. Et laissons de côté les discours verticaux d'une pensée culturelle dominante qui nous assènent des méthodes clefs en main. En somme, essayons de nous déplacer.
Arles in Black, Une commande du Centre nationale de documentation pédagogique.
4 contrepoint critiques d'expositions en 4 films
En lien avec publication, le CNDP m'invite à devenir critique le temps du festival de photographies d'Arles 2013.
Pour cet épisode consacré à « Arles in Black », édition 2013 des Rencontres de la photographie d’Arles, Parcours d’exposition propose quatre films approchant quatre expositions : Sergio Larrain, Hiroshi Sugimoto « Revolution », Jacques Henri Lartigue « Bibi » et Raynal Pellicer « À fonds perdus ». Chacune de ces quatre expositions est présentée suivant le même principe : le concepteur de l’accrochage, qu’il s’agisse du commissaire ou de l’artiste lui-même, donne des éléments d’introduction à la découverte. Puis l’artiste Arnaud Théval en propose une lecture en contrepoints, à l’appui de questionnements traversant le champ de l’art contemporain.
La série Révolution témoigne dans son titre même de ce qu’est la photographie pour Hiroshi Sugimoto : un moyen de comprendre notre rapport au temps. La photographie représente aussi pour lui une tentative de rendre le rêve possible et de proposer une vision humaine du monde : elle est en ce sens une abstraction.
Contrepoint d’Arnaud Théval : L’écart. Cette exposition interroge le basculement opéré par l’artiste dans son travail puisqu’il invite le spectateur à passer à une lecture verticale de ses paysages, par nature horizontaux. Devenues moins identifiables, ces œuvres font peut-être glisser celui qui les regarde de la quiétude à l’inquiétude.
Sergio Larrain a laissé derrière lui une œuvre d’une quinzaine d’années seulement, mais qui témoigne d’une approche audacieuse. Elle fait de lui un photographe de rue qui s’emploie à saisir l’insaisissable, des instants privilégiés qui donnent à ses photographies une impression d’évidence.
Contrepoint d’Arnaud Théval : des photographies sans destination ? Cette exposition donne à voir une uvre physique dans laquelle Sergio Larrain se frotte à une réalité sociale dure. Il se met en jeu tout en gardant une distance avec le sujet photographié, nous renvoyant peut-être à ce mythe du photographe de rue, entre fascination et dénonciation des désordres du monde.
Ces photographies témoignent de la vie privée de Jacques-Henri Lartigue, de moments insouciants d’une population aisée. Dans cette volonté de retenir l’instant, son travail révèle une douceur et une légèreté que l’on ne retrouvera plus dans son œuvre ultérieure.
Contrepoint d’Arnaud Théval : le hors champ ou l’exposition comme un récit intime. Nous pénétrons dans l’intimité de Jacques Henri Lartigue alors que celui-ci jouissait d’une vie oisive. Ces photographies réalisées alors qu’il n’était pas encore reconnu comme professionnel, nous plongent dans un album de famille, à l’instar des clichés que nous partageons aujourd’hui sur les réseaux sociaux.
Avec « À Fonds perdus », Raynal Pellicer montre ce qui ne devait plus l’être. Il rassemble ces images du rebut afin de reconstituer des histoires. L’intérêt est d’exposer l’avant et l’après la retouche, le recadrage, le recto et le verso de la photographie, donnant à voir un envers du décor.
Contrepoint d’Arnaud Théval : la poétique de l’appropriation. Raynal Pellicer nous propose une collection temporaire, témoignage empirique d’une nécessaire recherche d’un objet cadré. Dans cette fabrique des icônes du cinéma, plusieurs strates d’appropriation sont superposées, nous laissant face à des images indéterminées quant à leur statut.