Il faut dire...
Arnaud Théval, 27 août 2021, Lyon.
Tribune pour le projet de mémoire Dedans-dehors des actions artistiques et culturelles dans les prisons d’Aiton et de Chambéry.
Voilà ce que j’entends quand j’écoute ceux qui vont en prison, il faut dire que ça remue, mais quoi d’autre ?
Lauréline Bucher, coordinatrice culturelle en milieu pénitentiaire (coordinatrice culturelle en milieu pénitentiaire SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de Savoie) /ASDASS (Association de Soutien et de Développement de l’Action Socio-Culturelle et Sportive) propose à des artistes de concevoir des ateliers de créations pour personnes détenues grâce au dispositif interministériel Culture-Justice. Désormais les artistes font partie du paysage carcéral, mais ce qu’ils y fabriquent demeure peu visible. Et que dire de la mémoire de ces moments passés à co-construire un imaginaire commun qui disparaît dans la vitesse du quotidien, comme une fuite déplorable. Il faut dire ce que la création fait … Voilà une injonction que l’équipe réunie par Sandrine Lebrun, artiste-plasticienne (artiste-plasticienne, professeure-coordinatrice de l’école municipale d’art /Cité des arts), assume, comme une urgence à sauver ces trésors d’émotions. Tout comme celle de faire entrer du dehors dedans, il s’agit de dévoiler dehors ce qui se fabrique dedans. Il faut dire que les situations que l’art créé en prison permettent de décloisonner quelques certitudes. Les objets, les peintures, les photographies sont des énigmes porteuses d’une promesse unique, celle de contenir l’expression de quelqu’un : comment ne pas s’en préoccuper ? Et la prison est poreuse, tout y entre, tout en sort (enfin presque). Elle n’est pas cet îlot séparé du monde, elle contient le monde. Il nous reste à assumer cette cruelle vérité, elle nous ressemble.
Tout le monde ne le sait pas. Comment le dire ?
Cette équipe de créateurs s’engage à ne pas s’enfermer avec les productions dans les murs. En cela, elle rejoint une constellation d’acteurs artistiques qui – sans militer – travaille à ces déplacements du politique. Aujourd’hui, elle se dote d’un outil de diffusion, un musée virtuel « Dedans-dehors ». Et les « acteurs » de la prison souhaitent que nous les considérions mieux, que nous fassions un effort pour les regarder. Pourtant, ce n’est pas simple de décloisonner un monde qui dedans comme dehors est pensé en disciplines et en injonctions à être à la place qu’il faut. Si les choses semblent figées dans l’illusion de leur fixité, c’est que sans doute nous ne pensons pas la réversibilité de toute chose.
Ce projet éditorial dedans-dehors.fr pourrait très bien se résumer à ce que nous en dit Sandrine Lebrun « Nous ne savons plus com-ment expliquer où nous en sommes avec ces créations ». Ces créations nous perdent dans une géographie imaginaire, une correspondance humaine et amoureuse que seule l’expérience de l’art sait rendre partageable sans limites.