J'explique aux élèves surveillants qui viennent de recevoir leur uniforme, que je souhaite réaliser une sorte de cartographie de leur promotion en m'appuyant sur les dessins, les mots inscrits sur les corps.
Je découvre alors leurs peaux, les signes comme un récit de leur vécu, militaire, familial ou comme un slogan d'une ligne de conduite à tenir. Ils me racontent, c'est émouvant, touchant de comprendre ses dessins parfois abstraits, le sens qu'ils y mettent. Ces dessins se faufilent sur toutes les parties visibles du corps, débordant la tenue professionnelle et sa neutralité.
Comme tous les autres citoyens, le surveillant exprime par ces tatouages son appartenance à une tendance au cœur de la société, un fait qui déplace les normes de l'institution en douceur, progressivement.
Les codes du tatouage attribués naguère aux voyous sont désormais appropriés et consommés par beaucoup d'autres citoyens, rendant obsolète le déni de leur existence ailleurs que sur eux. Le désir de se raconter constitue-t-il une menace pour assumer et assurer sa fonction ? L'apparition de ces signes qui débordent sont-ils l'expression d'une protection ou d'une faille pour celui qui les portent ? Est-il encore un signe de l'intimité ou est-il devenu à l'instar de certains usages des réseaux sociaux, une extimité ?